Focus sur Action contre la Faim

Focus sur Action contre la Faim

Comme chaque année, les organisateurs (nos chers Zerator et Dach) ont choisi une association précise à laquelle la cagnotte finale sera versée. Un choix toujours difficile selon Zerator puisque de très nombreuses associations mériteraient qu’on leur dédie une édition. Cette année, il s’agit d’une association qui suit l’événement caritatif de près depuis les premières éditions et avait manifesté son désir de participer depuis longtemps : Action contre la Faim. Lucie Codiasse, directrice de la communication et du développement, était présente au ZEvent cette année pour participer à la désormais traditionnelle discussion avec Zerator qui vise à présenter l’association et son action.

Qui ça ?

Action contre la Faim (ACF) est une organisation loi 1901, une ONG humanitaire. A sa création par un groupe d’intellectuels en 1979, l’idée était de se concentrer spécifiquement sur le problème de la faim qui était autrefois inclus dans des actions plus globales (lutte contre la pauvreté ou la santé).

Nota bene : cet article a été présenté dans le projet du numéro 124

L’association a eu pour première mission de venir en aide à des réfugiés afghans au Pakistan lors des débuts de la guerre d’Afghanistan. Depuis, de nombreuses missions d’importance ont été menées en Thaïlande, en Ethiopie, au Rwanda, au Kosovo, en Irak et beaucoup d’autres, et ACF est désormais active dans plus de 50 pays.

Leur action se concentre sur plusieurs domaines liés de près ou de loin à la sous-nutrition. L’objectif premier est d’éliminer la « faim », en agissant directement sur le terrain, dans l’urgence mais également en faisant de la prévention.

Le problème de la faim dans le monde

Quelques chiffres clés : aujourd’hui, près de 811 millions de personnes dans le monde ne mangent pas à leur faim, soit 10% de la population mondiale. Sur cela, 14 millions d’enfants dans le monde souffrent de malnutrition aigüe sévère, la plus grave forme de malnutrition. On dit qu’un enfant meurt de malnutrition toutes les 13 secondes, ce qu’il est difficile de se représenter.

Mais pourquoi ? Comment en arrive-t-on à ce que des régions, voire des pays entiers en arrivent au niveau de la famine ? On peut séparer les causes en trois raisons majeures.

Premièrement, les guerres : près de 60% des gens souffrant de la faim en sont là à cause de ça. Dans de nombreuses zones de conflit, les habitants perdent l’accès aux ressources qui leur permettaient de survivre ; ces ressources sont même parfois prises directement pour cible par des groupes armés. D’autre part, beaucoup perdent leur métier, dans des régions où même une très faible source de revenus peut faire la différence pour survivre.

Ensuite vient la crise climatique, qui entraîne des conséquences bien réelles. Le sud de Madagascar est actuellement en train de vivre la pire sécheresse connue depuis 40 ans, ce qui exerce une influence terrible notamment sur l’agriculture (des tempêtes déplacent par exemple plusieurs centimètres de sables au-dessus de parcelles de terres qui étaient autrefois des champs cultivés).

Enfin, les crises économiques apportent également leur grain de sel à tout cela.

D’autres raisons sont bien sûr à mettre en cause, comme la crise sanitaire du covid (il devient pénible, celui-là) qui est à l’origine d’une augmentation de 20% de personnes qui connaissent la faim entre 2019 et 2020. C’est le même problème que pour les conflits, ces gens à la situation déjà très précaire se sont vu rajouter une couche de problèmes ; nombre d’entre eux ont perdu leur unique source de revenus et ne peuvent désormais plus subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles.

L’action contre la faim

Ces chiffres lourds rendent l’action de ACF complexe et il est impossible avec leurs moyens (déjà pourtant colossaux) de résoudre tous les maux du monde, mais l’association fournit tout de même une aide considérable.

« C’est un problème complexe qui ne se limite pas « juste » à donner à manger aux gens », soutient Lucie. Il y a deux angles d’attaque : le côté immédiat, et l’après.

L’immédiat, car ils sont exposés quotidiennement à des personnes souffrant de malnutrition grave. Dans l’urgence, il faut agir vite et de sauver des vies, ce qu’ils font notamment à l’aide de cliniques mobiles, et de paquets de RUTFs (ready-to-use therapeutic food). Il s’agit d’une pâte à base de cacahuète, un dérivé du lait thérapeutique en poudre F-75 et F-100, initialement développé par le comité scientifique d’ACF dans les années 90, puis plus largement adopté par la plupart des associations d’aides humanitaires. Cette pâte sert à la fois à nourrir et à soigner en réhabituant l’organisme à un certain nombre de manques (protéines, graisses, glucides, …). Sur 14 millions d’enfants en malnutrition aigüe sévère, environ 700 000 (soit 5%) sont soignés par ACF notamment avec cette pâte !

Et l’après, parce qu’il faut assurément aussi traiter les causes de la malnutrition, sans quoi elle reviendrait une fois les équipes d’ACF parties. Un de leurs objectifs est donc de fournir un accès à l’eau potable, un bon système d’hygiène, et de s’assurer que les familles ont les moyens d’avoir de la nourriture en quantités et en qualité suffisante. Ils donnent également des formations dans les centres de santé, pour que les mères de famille et les référents communautaires soient autonomes et puissent prendre soin de leurs enfants.

ACF agit aussi dans une certaine mesure sur la santé mentale. Par exemple, lors de missions récentes en Irak, ils ont apporté une aide d’urgence dans des villages récemment libérés de l’emprise de groupes terroristes, à des populations sujettes à des chocs traumatiques (ce qui n’est évidemment pas rare dans ce genre de climat violent et peu sécurisé). Au-delà de l’aide humanitaire directe et du côté éducatif, un accompagnement psychologique est aussi important pour aider les concernés à se remettre sur pieds et à surmonter la crise qui les touche. L’un des buts derrière ce genre d’action est aussi de comprendre l’humain et ses comportements dans ce genre de situation pour peut-être aider à prévenir la sous-nutrition, par exemple avec un meilleur accompagnement des femmes enceintes et des très jeunes enfants.

Les lieux d’intervention sont prioritisés selon les besoins sur le terrain, la possibilité qu’à ACF d’intervenir (parfois complexe en zone de conflits ou à accès restreint), le niveau de danger, les installations déjà existantes, etc. Ces décisions sont souvent prises en collaboration avec d’autres ONG, à l’aide d’un bureau de coordination de l’ONU.

L’association est aussi active en France, principalement au travers de la sensibilisation des jeunes au problème de la faim dans le monde. Dans l’enseignement primaire, collèges et lycées, c’est ainsi à 300 000 jeunes que s’adresse de nombreux bénévoles de l’association. En 2020, ACF a également lancé une « mission France » dans le contexte de la crise covid, à la suite, entre autres, d’une augmentation du nombre de demandeurs d’aide alimentaire de deux millions de personnes. ACF a proposé un accompagnement technique à des acteurs déjà présents comme les Restos du Cœur et l’Armée du Salut, en aidant par exemple à identifier les demandeurs et en proposant des solutions pour les aider.

Utilisation de la cagnotte du ZEvent

« Nous, on avait fait des projections, mais pas sur 10 millions, parce qu’on ne s’y attendait pas du tout. »

Afin de se donner un ordre d’idée, notons qu’Action contre la Faim reçoit des fonds de bailleurs publics (des états ou organisations internationales comme UNICEF, qui représentent 85% des fonds) et des ressources privées (15% de donations de particuliers ou d’entreprises). Les 10 millions d’euros récoltés durant l’événement correspondent au pourcentage considérable de 25% des ressources privées d’ACF. En un week-end seulement donc, les streamers du ZEvent ont levé l’équivalent de ce que reçoit habituellement ACF en trois mois de donations privées !

Comment sera utilisé cette somme colossale ? ACF s’engage à utiliser l’intégralité de ce montant sur le terrain. Ce qui n’est pas toujours le cas : il faut en effet savoir qu’une organisation de cette taille dispose toujours de fonds de réserves, dans un souci de gestion stratégique de l’argent. Ces réserves peuvent servir notamment à réagir en cas d’urgence comme une catastrophe écologique ou une crise sanitaire ; par exemple, une partie de leurs réserves a été utilisée pour créer la « mission France » à la suite de la crise du covid. Ils ont donc pu, grâce à ces réserves, réagir immédiatement, sans devoir attendre de financement public ou provenant de donateurs privés. Ces réserves ont également d’autres utilités qui sont d’ailleurs similaires aux besoins d’autres grandes entreprises (rappelons qu’ACF, c’est environ 8000 salariés partout dans le monde). Plus de détails sont disponibles sur leur site internet, dans les documents mis à la disposition du public dans une optique de transparence financière (si vous êtes en manque de Gestion Financière, on y retrouve des bilans comptables et des comptes de résultats). Pour autant, ACF sont fiers d’affirmer que 90% de leurs fonds partent directement dans leurs missions sociales, ce qui est l’un des meilleurs taux parmi les organisations humanitaires de France.

Dans notre cas, ces 10 millions (comprenant donc la cagnotte Efrei !) seront directement utilisés sur le terrain. Notamment dans un certain nombre de dépenses matérielles et logistiques, et également dans les salaires des employés d’ACF (qui sont d’ailleurs en immense majorité, à 95%, des habitants locaux, une autre grande fierté de l’association !). Mais aussi dans ce qu’on appelle les « crises oubliées » : il s’agit de situations complexes, en manque de financement par les bailleurs publics (états et organisations internationales) et dont on ne parle pas du tout dans les médias. Lucie cite l’exemple de la République centrafricaine, qui est l’un des pays les plus pauvres du monde, dans lequel plus de la moitié des habitants ont besoin d’aides humanitaires pour survivre (au-delà de la faim, en termes de soins, de services de base, d’hygiène, …) mais où seulement 60% des besoins de financement sont couverts. Le centre pédiatrique de Bangui, le seul de la ville d’une telle capacité, soigne 3500 enfants chaque année et sert également d’hôpital universitaire, mais ne reçoit pourtant plus de fonds publics depuis l’année dernière. Une partie de la cagnotte du ZEvent va donc permettre de financer cet hôpital pendant au moins un an de plus !

Une invitation a d’ailleurs été lancée à Zerator et Dach pour qu’ils se rendent sur place afin de rendre compte en vidéo de la réalité sur le terrain et de l’impact de l’événement. A voir dans les prochains mois !