Le lundi 20 février débutait l’Aromantic Spectrum Awareness Week ou ASAW, une semaine de visibilité pour les personnes aromantiques, c’est-à-dire qui n’éprouvent pas ou peu d’attirance romantique pour autrui. Pour l’occasion, Kanon, l’association féministe et LGBTQIA+, a consacré un événement « Chamboule-tout » le jeudi 17 et vendredi 18 février. Une activité qui veut déglinguer notre perception de l’attirance.

Camille Mathieu, ayant co-fondé Kanon et qui a tenu à ce que cet événement se fasse (et accessoirement se définissant comme aromantique), nous raconte l’organisation de cette contre-soirée à une semaine de la Saint-Valentin, ainsi que les déboires que peuvent vivre les personnes aromantiques.

L’Aromantic Spectrum Awareness Week, faite maison

La semaine de visibilité du spectre aromantique ou ASAW, qui a volontairement lieu une semaine pile après le 14 février de la Saint-Valentin, a pour but de mettre en lumière l’aromantisme. Témoignages, activités et présentations ont lieu durant la semaine afin de comprendre ce que ressentent, ou non, les personnes aromantiques. Cette année, l’ASAW a eu lieu du 21 au 27 février. Camille et l’équipe de Kanon ont voulu célébrer ce contre-mouvement le jeudi 17 et vendredi 18 février, deux jours pas vraiment durant l’ASAW qui se rapprochent ironiquement de la Saint-Valentin. « Moi et quelques membres étions en vacances la semaine du 21 février, on a préféré faire ça avant« , justifie Camille.

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Les deux jours étaient consacrés à l’organisation d’un « Chamboule-tout« , un jeu de tir où le but est de faire tomber une pyramide de gobelets en carton. La Taverne du Troll leur a gentiment confié des pistolets Nerf en plastique. Des lots étaient d’ailleurs à gagner, offerts par l’asso. Du 21 au 27 février cependant, l’équipe de Kanon ne s’est pas reposée sur ses lauriers : publication sur l’aromantisme, témoignage d’une personne aromantique avec un trouble dissociatif de l’identité ainsi qu’une playlist concoctée pour les aromantiques.

« Nous voulons montrer ce que c’est que d’être aromantique dans un premier temps, mais aussi inviter nos amis efreien·nes à se poser des questions. Nous avons proposé de la documentation et des définitions car se connaître soi-même implique de se poser des questions au préalable« . C’est sur ces points que Camille a eu cœur d’instiguer l’événement, estimant que nous avons que très peu d’occasions de nous poser des questions sur nous-mêmes. « C’est pour moi une bonne réussite car les gens qui sont passés ont, je pense, compris ce que signifie d’être aromantique« , se félicite Camille.

Crever l’abcès sur l’aromantisme

Mais concrètement, comment les « aro » vivent leur quotidien dans une société très romantique ? « En tant qu’aromantique, j’ai l’impression qu’on me ment sans cesse ! Dans les films et séries, on nous parle d’amour qui rend aveugle, de papillons dans le ventre, de coup de foudre au premier regard… Tout ça me paraît tellement éloigné de ma propre perception des choses » nous confie Camille.

Des œuvres parlant ouvertement d’aromantisme existent pourtant. « J’ai entendu parler de Loveless d’Alice Oseman mais je ne l’ai pas encore lu personnellement. Concernant les musiques, Never Been in Love de Will Jay est un hymne à l’aromantisme, et Soulmate de Lizzo parle de l’amour de soi-même avant celui des autres. »

Quand il s’agit d’expériences sociales, Camille peut parfois se sentir à l’écart. « Pour l’instant, je ne connais qu’une personne aromantique de l’Efrei, mais je ne vais pas voir des gens et leur demander ça« .

L’inverse est cependant plus fréquent. « J’ai vécu de nombreux moments avec des personnes qui ne comprennent pas la définition de l’aromantisme. Je suis jamais sûre s’ils essayent de flirter ou si c’est juste de la sympathie. Quand j’essaye de leur expliquer que je ne ressens pas d’attirance pour eux, ils peuvent le prendre mal en ne comprenant pas ce qui me définit. Ça se sentait qu’ils ne croyaient pas en ce que je leur racontait. Heureusement, je n’ai pas vécu de moment où certaines limites auraient été franchies.« 

Prendre le temps de comprendre l’autre

Malgré l’Aromantic Awareness Spectrum Week, de nombreux préjugés persistent, en dépit aussi du bon-vouloir des personnes aromantiques de leur expliquer ce qu’elles ressentent. « Les gens essayent de rationaliser, disant que je suis trop jeune, que c’est parce-que je n’ai pas connu l’amour, ou tout simplement que c’est pas possible que je n’aie pas de sentiment amoureux car c’est humain. Mais c’est faux, nous sommes humains. C’est un type d’attirance comme un autre qui n’a rien à voir avec nos rapports sociaux. »

Camille insiste : une personne aromantique n’est pas une personne asexuelle. Le premier concerne l’absence de sentiment amoureux pour une personne tandis que l’autre désigne l’absence d’attirance sexuelle. Pas de bisous pour les uns, et pas de pan-pan pour les autres, en gros.

Il est tout à fait possible de sortir avec une personne aromantique. « L’absence de sentiment amoureux n’est pas un obstacle aux autres attirances, qu’elles soient sexuelle ou platonique. Mais il ne faut pas s’attendre à avoir un amour réciproque avec quelqu’un d’aro« .

C’est aussi un aspect qui se retrouve dans le drapeau même des personnes aromantiques. « Les deux teintes de vert représentent le spectre de l’aromantisme en tant que tel, le blanc représente les attirances platonique et esthétique dont l’amitié, et le gris et le noir représentent le spectre de la sexualité qui n’est en rien décorrélé de l’aromantisme« .

Camille, actuellement en M2 du Programme Grande École (PGE), s’envole vers le monde du travail dès l’année prochaine. « Nous avons prévu un calendrier avec les grandes dates des causes LGBTQI+ et féministes. J’espère que les prochains membres de Kanon pourront profiter de l’élan d’engouement pour notre asso et proposer toujours plus d’activités autour de ces dates. »