Ils sont partis au Sénégal du 13 au 22 février. Ils racontent même avoir pleuré à la fin de leurs convois humanitaires, marqués par une expérience humaine commune. Nous avons rencontré trois membres de EAH, Efrei Aides Humanitaires, pour qu’ils racontent leur expérience au Sénégal.
Nota bene : ces articles sur les convois de EAH ont été présentés dans les projets des numéros 117 et 118.
Camille Paoletti, Aïda Lucie Ndour et Nathan Pruvost sont partis au Sénégal. Le convoi humanitaire organisé par Efrei Aides Humanitaires (EAH) dans le pays longé par un fleuve s’est déroulé du 13 au 22 février. Leur objectif ? Apporter des ordinateurs fonctionnels à des collèges et des lycées, afin de réduire la fracture numérique.
Camille Paoletti
Vous êtes partis où au Sénégal ?
On est arrivés à Dakar en avion, puis le 1er village qu’on a fait était Falia, notre point de rapatriement. On est ensuite allés à Diogane. On est restés 9 jours au pays.
Quelle a été ta réaction quand on t’a annoncé que tu allais au Sénégal ?
J’étais super contente, vraiment. Avec la Sep on a beaucoup de boulot donc ça nous fait un bol d’air frais. J’ai toujours voulu faire ce convoi.
Pourquoi le Sénégal et pas le Cameroun ?
Je connaissais Inès qui était déjà partie au Sénégal. Vu que EAH est allé au Sénégal l’année dernière, j’ai pu avoir un retour d’expérience des membres. J’ai aussi une amie Sénégalaise qui m’a parlé de son pays. Mais lors de l’entretien, même si j’avais une préférence pour le pays, le Cameroun m’allait aussi.
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Comment s’est passée la mission ?
On est allés dans les deux mêmes écoles que l’année dernière. On nous a emmené dans deux salles de cours différentes. À Falia, c’était une salle de primaires avec quelques ordinateurs sous Windows XP. La salle était dans un état critique : des feuilles partout, des murs abîmés…
Ils ont amené le courant dans la salle et on a pu installer les ordis. On a aussi demandé au peintre attitré du village qu’on puisse repeindre la salle. On a fait des petits dessins et on a pu mettre des traces de nos mains sur un mur. Le peintre a aussi remercié EAH en faisant une fresque.
T’as aidé à préparer le voyage ?
Inès (respo convois) et Damien (président) nous ont donné rendez-vous pour préparer les ordinateurs et vérifier leur état. Cette année, contrairement à l’année dernière, on a installé les OS en avance. On a aussi pu se rencontrer à ce moment. Je n’ai pas pu assister au départ de la palette, par contre.
Comment sont les gens là-bas ?
Ils sont adorables ! Très accueillants, c’est vraiment un esprit de famille. On avait l’impression d’être intégrés et valorisés. Le village entier est venu nous accueillir, très élégants, et en musique !
On a pu faire un discours, ainsi que la dame de l’asso de Villejuif qui nous a aidé à préparer les convois. Elle nous a accompagné dans nos chambres à Dakar et nous a présenté du monde à Falia, car c’est son village de naissance.
Et les enfants ?
En arrivant à Falia, on a pu jouer avec eux. J’ai l’impression qu’ils n’avaient jamais vu de blancs, ils essayaient de nous gratter la peau et nous faisaient des bisous ! Ils ont aussi beaucoup de recul sur la situation au Sénégal (conflits, l’intérêt de notre venue, ce que les adultes veulent changer…)
Vous êtes arrivés les clés en main, donc
Oui, on avait tout à disposition. Les planifications étaient déjà faites, on savait quoi faire. Vu qu’il n’y avait pas d’électricité sur place, l’asso de Nabou (la dame de Villejuif) s’est engagée à payer l’électricité sur un an.
Dans l’autre village, il y avait un panneau solaire qui alimentait 6 PC, les 6 autres étant à Falia. On a aussi donné 3 ordis à des profs.
Vous avez pu voyager ?
On a visité Dakar, des spots touristiques dont une statue offerte par le gouvernement chinois au Sénégal. D’ailleurs, ces cadeaux ont fait l’objet de détournement de fonds. On a aussi les parents d’Aïda Ndour, une M1, qui a étudié au Sénégal jusqu’au lycée, qui nous ont invités à dîner. On était 8 étudiants à venir, et on a encore vu cet état d’esprit de famille et d’accueil.
On voyageait en pirogue ou en charette. On a visité beaucoup de villages comme ça, dont les chefs de villages qui nous ont accueilli.
Et enfin, le dernier jour, on a pu faire de l’accro-baobab. Ils étaient pas très hauts, mais y’avait des parcours super compliqués. Ça nous a permis de relâcher toute l’émotion du voyage.
Hormis l’installation des PC, quelle était votre mission ?
On a pu donner des cours aux élèves qui ne savent pas forcément utiliser un clavier. On a aussi un plan, de se cotiser pour une fille handicapée dont le fauteuil roulant était cassé. On va lui en acheter un autre, à 120€, et la famille d’Aïda pourra lui apporter.
Tu recommandes ce voyage ?
Absolument. C’est une expérience humaine importante qui nous permet de nous ouvrir. Tous les enfants n’ont pas internet, de téléphone, accès à l’actualité et à une économie décente. Puis avec les aides, le voyage n’est pas trop cher.
Aider ces pays a un impact considérable à leur échelle. Je pense que c’est important de se rendre compte des petites choses de la vie, qui nous paraissent minimes mais qui sont importantes là-bas, comme utiliser une souris d’ordinateur ou l’accès à la santé.
Un exemple de leçon à apprendre des filles sénégalaises, est qu’elles utilisent des protections hygiéniques réutilisables et adaptées à leur contexte de vie. Cependant, l’école manque de toilettes pour laver ces protections.
Aïda Lucie Ndour et Nathan Pruvost racontent leur convoi au Sénégal
Vous êtes déjà partis au Sénégal ?
Nathan : Je ne suis jamais allé en Afrique. C’est un voyage que j’attendais beaucoup, je n’ai pas été déçu.
Aïda : Moi, je suis franco-sénégalaise donc je suis née et j’ai grandi là-bas.
Pourquoi vouloir aller au Sénégal ?
Aïda : J’adore l’humanitaire et j’ai jamais fait aucune action dans mon pays. Je connais la culture, je savais ce qui se passait dans les villages, mais je n’avais rien fait pour aider. Je viens de Dakar.
Nathan : Quand on m’a demandé, je n’avais pas de préférence, même si on retournait au Sénégal.
Vous avez réagi comment quand on a annoncé vos pays ?
Nathan : J’étais vraiment content ! J’avais vraiment envie d’être pris pour vivre cette expérience.
Aïda : Pareil, j’étais trop contente !
Vous avez aidé à préparer le voyage au Sénégal ?
Nathan : On a préparé les PC, installé les OS, et d’autres choses perso comme des logiciels sur des clés USB et imprimer des document.
Vous avez installé les logiciels sur place avec la clé USB ?
Nathan : Oui. Je leur ai donné cette clé pour qu’ils puissent les mettre sur leurs ordinateurs. Dans le 2e village où on est allés, ils ont des ordinateurs portables donc ils pourront installer ça dessus quand ils voudront. On leur a installé Windows 10, donc quand ils auront internet, ils pourront avoir les dernières mises à jour.
Aïda, vu que tu es sénégalaise, est-ce que la vie est pareille entre les villages et Dakar ?
Aïda : J’ai vraiment vu les inégalités avec Dakar. J’étais plutôt bien dans ma position, j’avais pas de problème avec l’informatique. En les écoutant, on apprend qu’ils n’ont pas accès à tout ça, et que c’est quelque-chose d’important pour eux.
J’avais conscience de ces inégalités, mais le fait de le voir de mes propres yeux permet de vraiment le constater. Par exemple, il n’y a pas de toilette dans les écoles. Ça m’a motivée de continuer à aider dans l’humanitaire, et ça nous a tous touchés. On a tous lâché une petite larme à un moment.
Nathan : Ça m’a motivé moi aussi, ça m’a remis en question et je me suis demandé comment aider. Ça nous a tous donné envie de retourner faire d’autres actions
Comment sont les gens au Sénégal ?
Nathan : On a été super bien reçus. Au niveau de l’accueil et du rapport aux autres, c’est vraiment quelque-chose d’incroyable. Faut aussi qu’on réussisse à garder le lien avec eux. Il y a une sorte d’euphorie quand on était avec eux, mais il ne faut pas qu’on relâche tout à la fin.
Aïda : Le Sénégal est un pays d’accueil. On est connus pour être très ouverts. Mais là, c’était accueil ++. Y’avait une cérémonie, tout le monde était super gentil avec nous. Tout le monde était vraiment super.
Vous avez fait des voyages ?
Aïda : On a fait un jour à Dakar, une visite à l’Île historique de Gorée. Vu qu’on travaillait sur deux villages, les voyages en charrette duraient plus ou moins une heure, et on pouvait voir des paysages. À part ça, pas grand chose.
Nathan : On n’était pas là pour les voyages, on était occupés tous les jours. Après, on a pu visiter l’île qui parlait d’esclavage et c’était assez marquant, d’autant plus dans un contexte de convoi humanitaire.
On y va pour donner de sa personne, pour apporter quelque chose. Le pays a été colonisé deux fois par la France, par les Pays-Bas, par l’Angleterre, par le Portugal… Avoir ce côté historique nous a donné conscience de l’histoire du pays.
Nathan, en tant que français parti au Sénégal, est-ce que tu avais des a priori, des peurs ?
Nathan : Pas vraiment. Leur situation sur place ne semble pas avoir de problème de sécurité, ou du moins je ne l’ai pas ressenti. Pas de résidu de tension, de relation malsaine. Les échanges ont évolué dans le bon sens. Mais c’est une expérience sur plein d’autres.
Aïda, toi qui est à moitié sénégalaise, est-ce que tu as senti une évolution ?
Aïda : Ça a toujours été comme ça, le Sénégal a gardé de bonnes relations avec la France. Y’a eu quelques tensions au niveau gouvernemental, mais c’est pas une question de population, on est tous ensemble et on fait avec.
Qu’est-ce que vous avez pu faire pendant le projet ?
Nathan : En arrivant à Falia, on a appris qu’il n’y avait pas d’électricité. On a dû mettre la pression sur le corps administratif pour leur faire comprendre que si on installait des PC, c’était pas pour 2 semaines.
Ils ont réagi derrière, et ils ont amené l’électricité dans une autre salle pour ordinateurs. En plus des installations et des formations.
Malgré la chaleur, la fatigue, vous recommandez le convoi au Sénégal ?
Nathan : On a tenu 10 jours et oui, je suis fatigué. Mais si tu m’avais dit dès le départ qu’on irait 2 mois, je les aurai tenus sans problème. Oui c’est épuisant et fatiguant, mais je recommande à fond le convoi.
Aïda : J’ai pu faire ma guide touristique, et ça m’a apporté beaucoup. Je me suis sentie utile. J’ai envie de continuer à aider même si c’est épuisant. Mais ça a payé depuis : le taux de réussite a énormément augmenté en un an.
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