Ils sont partis au Cameroun du 13 au 22 février. Ils racontent même avoir pleuré à la fin de leurs convois humanitaires, marqués par une expérience humaine commune. Nous avons rencontré trois membres de EAH, Efrei Aides Humanitaires, pour qu’ils racontent leur expérience au Sénégal.
Nota bene : ces articles sur les convois de EAH ont été présentés dans les projets des numéros 117 et 118.
Vincent Dairien et Emna Touihri sont partis au Cameroun. Le convoi humanitaire organisé par Efrei Aides Humanitaires (EAH) dans le pays longé par un fleuve s’est déroulé du 13 au 22 février. Leur objectif ? Apporter des ordinateurs fonctionnels à des collèges et des lycées, afin de réduire la fracture numérique.
Emna Touihri
Vous êtes partis où au Cameroun ?
On est allés dans un village du nom de Bayangam, dans l’ouest.
Quelle a été ta réaction quand on t’a annoncé que tu allais au Cameroun ?
J’étais très contente, c’est une nouvelle que j’attendais depuis longtemps !
C’est une expérience que je voulais vivre depuis des années, pas forcément avec EAH. En 2016 j’ai commencé mes recherches, mais en 2017 quand j’ai été prise, je n’ai pas pu y aller à cause de problèmes personnels. Quand j’ai été prise avec EAH, c’était comme un rêve qui s’est concrétisé.
Pourquoi le Cameroun et pas le Sénégal ?
J’ai pas forcément choisi le Cameroun, c’est plus le bureau qui a choisi pour moi. Mais pour moi, peu importe le pays dans le monde, c’est la même raison pour laquelle je candidate, de visiter un pays dont on ne parle pas et rendre un service qui représente beaucoup.
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T’as pu aider à la préparation du voyage ?
J’ai aidé à mettre en place les palettes, l’installation des OS. Par contre, pour l’envoi des palettes, je n’ai pas pu venir car je devais renouveler mon passeport. Mais j’ai été mise au courant de tout. Au total, on a pu ramener 26 ordinateurs, dont un qui ne marchait pas.
Vous les avez installés où ?
Dans un lycée technique, qui a des filières préparant les élèves directement au monde du travail. Il a presque 1000 élèves et une petite salle informatique d’ordinateurs sous Windows XP. Ils avaient 8Go de RAM et Windows 10. Ils étaient très, très contents et reconnaissants.
Comment sont les gens là-bas ?
Ils sont très chaleureux, bienveillants, et savent très bien s’exprimer.
Vous avez été accueillis ?
On était très bien accueillis et accompagnés. On a eu la chance de devenir amis avec le directeur de l’hôtel dans lequel on était. Emmanuel, un lycéen qui nous accompagnait, le connaissait. On a eu la chance de côtoyer et apprendre des gens locaux.
Vous avez pu voyager ?
On a travaillé du lundi au vendredi. Le weekend, le lycée est fermé donc on a pu visiter les alentours. Notre chauffeur et Emmanuel
nous ont accompagnés. On a pu échanger et comprendre des choses sur la vie au Cameroun.
On a donc visité les grottes de Fovu, qui sont sacrées. On a visité une ville, Bafoussam, avec la chefferie du village. Chaque village a son chef, et on a pu le voir avec une de ses femmes. On a enfin vu les chutes de la Métché, liées au colonialisme français.
C’est pour ça qu’ils parlent français ?
Oui. Ils ont une culture francophone. Même leurs prénoms sonnent français, comme Damien, Emmanuel, Théo, Nestor, Apollinaire…
Vous avez donné des formations ?
C’était pas prévu, mais on est arrivés en période d’examens. Du coup, on a pu faire des formations pendant 2-3 jours, puis on a visité la maternelle, la primaire et un orphelinat. Même les directeurs n’ont pas d’ordinateurs. Ils font tout sur papier. On a amené des livres à la bibliothèque du lycée, des chouettes Efrei et des stylos aux élèves. Pour eux, c’est énorme.
On a fait des formations aux lycéens, pour le personnel sur le nouveau matériel, des activités avec les écoles et fait des dons pour un centre de soin. On a aussi donné des ballons de foot pour des équipes car là-bas, c’est toute une culture. Même les filles ont leur équipe !
Tu penses quoi de leur équipe féminine en comparaison avec la France qui a du mal avec le football féminin ?
Pour eux, le foot c’est sacré. C’est leur activité pendant la récréation, elles n’ont pas d’autre moyen pour jouer entre elles. Elles n’ont pas de téléphone ni internet pour se distraire.
Comment fonctionneront les PC alors ?
Le réseau fonctionne sous la 4G d’Orange, donc c’est impossible pour un lycée de payer ça. Ils ont 2300€ de budget par an, ce qui reste extrêmement faible pour 1000 étudiants. Leurs ateliers d’électronique et de menuiserie n’ont rien, si ce n’est un toit et 4 murs.
Tu penses que le Cameroun se développe à ce niveau ?
On ne peut pas juger car on était dans un village. Ils n’ont pas le concept des majuscules et minuscules sur un clavier, tandis que le monde avance avec l’intelligence artificielle. Il y a beaucoup d’écart, mais ils sont très motivés pour avancer.
Tu recommandes ce convoi ?
Oui. Ça nous permet de nous remettre en question, de découvrir l’autre, d’échanger et de se sentir utile. Ça permet de réduire l’écart entre nos deux mondes. C’est une expérience à faire au moins une fois dans la vie !
Vincent Dairien
C’était pas trop dur le retour ?
On est rentré ce lundi 24 (L’interview a été réalisé le 27 février 2020, ndlr.). Le voyage retour était un peu long, on a fait 6h de bus ce dimanche matin, on a pris l’avion à 23h, on est arrivé à 6h, on a repris l’avion à 14h pour arriver ici vers 18h.
C’était aussi épuisant votre semaine ?
Non. Le convoi était bien organisé, on avait juste le planning en tête. On avait des contacts sur place pour les logements et les transports. On a eu zéro souci, aucun sentiment d’insécurité.
Quelle était votre mission ?
On a ramené 26 PC dont un qui ne marchait pas (avec un écran), on en a donné un à notre contact sur place pour le remercier. Les 24 derniers on les a installés dans la salle qu’ils avaient préparés. Ils ont fait les tables et les multiprises eux-mêmes même si c’est pas très safe.
Pourquoi le Cameroun ?
Le pays m’intéressait, donc j’ai directement eu envie d’y aller. Le pays est très beau même si c’était la saison sèche et qu’il y avait un brouillard de sable constant. Mais le paysage, la nourriture, les gens, tout ça est super.
Vu qu’on était dans des terres reculées, on était plus en sécurité par rapport à Douala. Je suis parti avec Damien, le président d’EAH et Lou Gendron, qui sont dans ma promo.
Tu as aidé à préparer le voyage ?
Je me suis chargé de la préparation des PC, on s’y est pris bien en avance. La majorité d’entre eux viennent de l’Efrei, ce qui est assez rare car d’habitude on fait appel à des entreprises. On les a tous testés, la casse, l’humidité, des HDD sur lesquels on pouvait installer un OS (par exemple, certains PC avaient Mac installé dessus).
Comment sont les gens ?
Super accueillants, vraiment ravis de nous voir. Les enfants nous appelaient “les blancs”. C’était pas au point de nous gratter la peau comme au Sénégal, ils étaient un peu plus timides, mais restaient super chaleureux. La femme du chef, la directrice de l’orphelinat, le directeur du lycée, le gérant de l’hôtel, les enfants… Tout le monde était super accueillant ! Vu qu’on a apporté 4x leur budget annuel en PC, tout le monde venait nous aider, à démêler les fils, à apporter les tours…
Comment se sont passé les formations ?
Vu qu’on avait 13 claviers pour 24 ordis, il y avait 2, 3 voire 4 personnes par PC. Ils étaient tous très attentifs. Ils avaient aussi quelques vieilles machines avec les ports clavier et souris d’avant 2005.
Il y en avait donc certains qui avaient des notions, d’autres ne savaient pas utiliser une souris. On leur apprenait des raccourcis, comment écrire, les plus jeunes voulaient jouer sur Paint… Pour eux c’est important.
Pour toi, c’est un “convoi” ou un “voyage” humanitaire ?
La limite est assez floue dans notre cas. On fait un convoi humanitaire mais on a pu découvrir le pays et la culture. C’est aussi politique car pour eux, des étudiants français venus apporter leur aide, ils veulent que ça se renouvelle. Ce sera le cas.
Du coup, on a été invités chez le maire, on a eu des discours à faire, pour qu’on ait envie de revenir. D’autant plus qu’on est arrivés pendant la semaine des examens, on n’avait que le mardi pour faire les formations, sachant qu’on devait installer les PC lundi.
Que t’a apporté ce voyage ?
C’était très instructif, une très bonne expérience. On découvre le climat, l’environnement, la vie sur place. C’est un peu cliché de dire qu’ils ont rien et nous on donne tout, mais c’était un peu vrai. On prévoit déjà de revenir, car y aller une fois pour ne pas développer le reste, ça sert à rien.
C’est un de mes meilleurs voyages, une des meilleures expériences, et je sais que ça a eu un impact. Je suis en M2, je vais faire mon stage, et je compte faire un mois de mission solidaire à la fin.
On a un projet avec EAH, Planète Urgence, qui pourrait organiser une mission de un mois pour la SWIM. Pourquoi pas faire une mission en Asie Centrale ou en Amérique du Sud.
Est-ce que tu recommandes ce voyage malgré le fait qu’il t’ait énormément épuisé ?
C’est beaucoup d’organisation notamment car je suis du bureau et que je me suis occupé de la préparation, surtout en M2. Le voyage est fatiguant, mais on kiffe tellement qu’on s’en fiche.
Je le recommande fortement car ça fait ouvrir les yeux, on crée des liens. On était 5 au lieu de 8 car on a eu des soucis, mais au moins on était plus soudés. On a pu dîner avec la personne de Villejuif qui nous a aidé avec ce convoi.
Les conditions d’hygiène et de santé ne sont pas pareilles qu’en France. On doit faire des vaccins comme la méningite, la fièvre jaune, l’hépatite A et B, qui coûtent assez cher. Mais malgré tout, il faut le faire, c’est une expérience unique qu’on ne peut pas vivre en France.
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