Cette tribune a été publiée par Timothé Chauvet. L’association ReName ne s’engage pas dans ces propos.

Vous n’êtes pas sans savoir que le mouvement de droits civiques Black Lives Matter a repris un fort élan avec l’assassinat injustifié de George Floyd par des policiers blancs américains. J’aimerais porter mon attention sur la responsabilité éthique que doivent respecter les associations envers Black Lives Matter.

La cause des noirs américains a pris le monde d’assaut le 25 mai 2020, jour où le policier Derek Chauvin a étouffé George Floyd, un afro-américain de Minneapolis aux États-Unis. Le mouvement Black Lives Matter a immédiatement réagi en portant au monde un message de tolérance entre communautés.

En quelques jours, le monde occidental a été forcé de constater qu’encore beaucoup de progrès reste à être fait pour la désinstitutionnalisation du racisme, notamment au sein de la police, préférant trop souvent la solution de facilité à la diplomatie.

En France aussi, le mouvement s’est développé. L’affaire d’Adama Traoré, tué le 19 juillet 2016 dans des conditions similaires, a rassemblé plus de 20.000 manifestant.es ce mardi, en écho au mouvement Black Lives Matter.

Logo d’Efrei Paris avec le sigle Black Lives Matter

Le mouvement Black Lives Matter a non seulement reçu un soutien considérable en France, mais aussi de la part d’innombrables personnalités, entreprises, universités, associations et autres entités. Efrei Paris a aussi pris la décision d’afficher son soutien à la cause, tout comme d’autres associations telles que les Barners ou les Sons of Efrei. À notre tour de porter ce message.

Il est obligé d’admettre le fait que le mouvement des droits civiques des personnes noires est un mouvement d’actualité, et en ce sens il ne faut pas ignorer ces revendications. L’aliénation des droits fondamentaux des êtres humains dont fait preuve la police américaine ne peut pas être toléré.

Le silence, pire que la honte

Il est tout naturel de ne pas se sentir légitime de soutenir cette cause. Beaucoup de gérant.es d’associations se disent que la cause des personnes noires ne figure pas explicitement dans l’objet de ses statuts, et ils n’ont légitimement pas l’obligation de manifester leur soutien pour cette cause au nom de leur association.

Mais le silence tue.

L’un des moyens d’aider le mouvement est d’en parler, parmi tant d’autres. Faire le plus de bruit possible. Chaque individu a une voix, et chaque individu a le pouvoir de l’exprimer pour faire changer les choses.

Une grande évolution a déjà eu lieu depuis l’époque où la ségrégation faisait foi ; mais, comme l’a prouvé symboliquement l’assassinat de Martin Luther King Jr. en 1968, et la répétition de meurtres et d’attaques liées à un inconscient raciste, le système n’a pas assez profondément changé. Les personnes noires vivent dans un climat où le système attente à leurs vies. L’ancienneté de la cause ne doit pas être une raison pour ne pas réagir.

Le regain en importance de Black Lives Matter est une nouvelle chance pour les personnes noires de faire changer les choses, et de profiter de l’actualité pour que la voix la plus entendue soit celle des protestations est primordial. S’engager ne devrait pas être une honte, surtout quand il s’agit de droits humains fondamentaux.

Que nous en fassions partie ou non, il est important de manifester son soutien à la communauté noire dans un message de solidarité, pas nécessairement localisé (USA/France). Montrer que nous avons reçu le message, une mention « Vu », un accusé de réception. Il faut montrer que le monde a conscience de ces revendications, pour qu’elles ne tombent pas dans l’oubli.

Chaque individu a le droit de refuser de s’exprimer sur le sujet, mais ne fera pas avancer la cause pour autant. C’est tout à fait respectable, mais dans les communautés d’individus différents comme sont les associations, il faut que la discussion soit engagée.

La voix des associations est aussi importante

Selon le règlement des associations de l’école, il est proscrit aux associations de s’engager politiquement. Cependant, après avoir contacté l’administration en charge des associations, Efrei Paris a indiqué ne pas proscrire leur soutien dans ce mouvement, même si le service juridique préfère toutefois les actions individuelles à celles groupées. D’autant plus que l’école a elle-même soutenue le mouvement, et quelques personnes et associations ont déjà commencé à s’exprimer sur le sujet.

Black Lives Matter n’est pas un parti politique, c’est un mouvement spontané d’une population choquée par une société hypocrite, que même la politique ne pourrait résoudre. Soutenir ce mouvement c’est soutenir le droit des personnes noires de se sentir en sécurité, c’est exprimer son empathie pour des personnes forcées de vivre dans la peur simplement parce qu’elles sont nées avec plus de mélanine. Et exprimer son empathie, ce n’est pas engager politiquement son association dans une idéologie politisée. En tant que représentantes des efreien.nes, j’estime que les associations doivent faire en sorte que chaque étudiant.e se sente compris.e, accepté.e et respecté.e.

Les voix des associations sont tout autant importantes que nos voix individuelles. Il est évident que le racisme est une mauvaise chose qu’il faut combattre, mais il faut permettre à sa communauté de l’exprimer publiquement. Les associations ont donc la légitimité d’avoir leur mot à dire, elles aussi, sur cette situation majeure qu’il est impossible d’ignorer.

Une association est une communauté, un groupe de personnes. Bien qu’un.e président.e en soit à la tête, j’estime qu’il ou elle se doit au moins de consulter ses membres afin de mener une action nécessaire comme celle-ci.

Nous sommes (en grande majorité) de futur.es ingénieur.es et nous devons rester consciencieux des nouvelles technologies, mais aussi des enjeux sociaux. En ce sens, nous avons conscience du problème et nous avons un devoir d’au moins essayer d’apporter une solution, ne serait-elle qu’en affichant notre soutien aux personnes concernées par l’injustice.

Certes, les associations ont de faibles ressources et ne pourront jamais égaler les actions prises par de grandes entités pour Black Lives Matter, d’autant plus que leur légitimité n’égalera jamais celle des personnes noires elles-mêmes. En revanche, les associations peuvent porter au minimum leur soutien et apporter leur pierre à l’édifice.

Ce message de soutien se doit d’être clair : énoncer les valeurs de l’association sur le sujet, et afficher un soutien pour les personnes noires est nécessaire. Il n’y a rien de politique dans le fait que son association ait des valeurs, et il n’y a rien de surprenant dans le fait qu’une association dévie un instant de l’étroitesse de son objet.

L’important – et les représentant.es du mouvement nous l’affirment – c’est que personne ne reste indifférent.e face à cette crise mondiale. Porter la voix et les combats des personnes noires au sein des associations est possible, et cela commence par une ouverture au sein de sa propre communauté.

J’invite tou.tes les représentant.es associatifs à discuter avec leur bureau et/ou leurs membres sur le mouvement Black Lives Matter. C’est tous ensemble que les choses pourront changer.

ReName est une plateforme sur laquelle chaque étudiant d’Efrei Paris peut s’exprimer. N’hésitez pas à nous proposer votre article par mail à [email protected]